Demain le radicalisme...

Publié le par PRG45

Confondant la fidélité à l'engagement pris pour que la France ne soit pas exposée à un nouveau 2002 avec la chronique d'une mort annoncée, le parti socialiste s'est cru autorisé, sitôt consommée sa défaite à l'élection présidentielle, à s'afficher en creuset d'une nouvelle gauche où viendraient se fondre, entre autres supplétifs, les radicaux de gauche.

Flairant un appétit de beaucoup de français pour une conduite de la politique qui, détachée de la compétition entre grandes machines à pouvoirs absolus, ne renoncerait pas aux solutions de la raison ou à la recherche des compromis, François Bayrou a pu déployer la critique du dévoiement de nos institutions, celle-là même qui est au cœur du discours des radicaux de gauche, avec d'autant plus d'aisance que ces derniers se trouvaient, par nécessité, occupés à la défense et à l'illustration du champion de l'une des deux formations qui prétendent, à elles seules, résumer la vie politique nationale.

On ne peut exclure que d'autres, à droite, aient imaginé un radicalisme de gauche soluble au premier zéphyr dans un grand bloc conservateur triomphant.

Tous, autrement dit, semblent trouver quelque mérite au radicalisme dans l'organisation de sa fin.

Clôture d'une longue histoire qui eût été pour le moins paradoxale, si l'on veut bien admettre qu'à ses extrêmes près, la société politique française n'a jamais autant qu'aujourd'hui emprunté à la vision radicale. Après des dizaines d'années d'errance post-marxiste, les socialistes s'avisent enfin des mérites de la liberté d'entreprendre, sans encore avoir tout-à-fait compris comment l'assortir des méthodes et des espoirs du solidarisme. La démocratie chrétienne new look du gentleman farmer palois trouve des vertus à la laïcité, sans pouvoir, bien sûr, en faire le socle d'un projet politique qui serait autre que tactique. On arrive même à discerner, dans les projets de l'UMP, certes de façon timide ou mal arrimée aux principes qui en assureraient la validité, un effort de lutte contre les discriminations ou la conscience de certains devoirs de solidarité.

Parce qu'il reste encore énormément à faire, pour fonder sur le principe de laïcité l'égalité réelle au sein d'une société traversée de courants communautaristes, pour donner à tous les salariés, à travers la perspective de l'entreprise partagée, l'espoir d'un avenir dont les attraits ne se résumeraient pas à l'augmentation du SMIC et des petites retraites, pour reconquérir une justice fiscale mise à mal au prétexte de mondialisation, pour faire reculer tout risque d'excès de pouvoir par la réforme des institutions, pour donner à voir le dessin d'une société politique européenne et mondiale unie et solidaire, le temps des radicaux est loin d'être fini.

La nécessité sociale et politique du radicalisme doit être comprise de tous. Et d'abord, des radicaux de gauche eux-mêmes. Qui doivent en faire, par delà les péripéties d'un congrès, d'une campagne présidentielle ou de ses lendemains, l'axe prioritaire de leurs réflexions et de leurs débats. Ceux-ci sont proches et nécessaires. Et ne devront exclure, que ce soit par réflexe, préjugé ou présupposé, aucune des hypothèses permettant de garantir, avec la pérennité du radicalisme, celle du grand courant de pensée politique qui associe progrès social et liberté.

L'accord politique avec la social démocratie, nouvelle vesture probable du socialisme, est évidemment l'une de celles-ci. Lorsqu'il est conclu à des conditions qui les respectent, l'accord des radicaux avec les socialistes est loyalement appliqué par les premiers, l'élection présidentielle passée et les législatives présentes l'établissent.

Les radicaux de gauche n'auraient assurément aucune raison d'exclure la discussion avec le courant écologiste, non plus qu'avec des centristes de gauche issus de la démocratie chrétienne avec lesquels un certain nombre de vues sont partagées. Ou avec tous autres groupes, associations ou organisations capables de contribuer à donner vigueur au radicalisme de gauche, qui peut aussi, c'est une hypothèse, trouver dans ses propres forces les ressorts d'un nouvel élan.

Il serait peu compréhensible qu'ils n'explorent pas aussi la voie du dialogue avec la branche du radicalisme sise sur l'autre rive de l'abrupt fossé creusé par qui préférait la loi de la force à celle de la raison et du dialogue; en un moment où la nouvelle direction « valoisienne » semble prendre des distances avec le conservatisme languide qu'avait produit la trop longue et exclusive fréquentation de formations naturellement à droite. Et dès lors qu'il est bien entendu que l'objet du dialogue est tout le contraire d'un projet de renonciation aux valeurs du radicalisme de gauche, ou d'étape vers l'assujettissement à une autre puissance politique, fût-elle aujourd'hui triomphante. Le dialogue avec les valoisiens ne saurait prospérer hors la perspective d'un profond changement des conditions de fonctionnement de notre vie politique.

A l'heure des choix, qui s'annonce, les radicaux de gauche doivent retrouver toute leur liberté de réflexion, de dialogue et de propositions. Sereinement et sans aucune exclusive. Sans laisser à d'autres le monopole de l'ouverture ou l'initiative d'accords les contournant ou les ignorant, et sans se laisser déposséder par d'autres des valeurs qui ont fait leur identité. Tout simplement guidés par la volonté, au contraire de consentir à sa disparition, de hisser à nouveau le radicalisme au premier rang de l'action politique française, au nom des valeurs de progrès et de liberté, celles-là même qui, lorsqu'elles sont associées, reflètent l'idéal de la gauche.

Publié dans Actualités

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article